Andromaque
Lecture / Spectacle
Conception Olivier Martin-Salvan & Thomas Condemine
Mise en scène Thomas Condemine
Racine c’est le cauchemar des metteurs en scène. Beaucoup s’y sont cassés les dents. La poésie est tellement dans les mots que leur mise en action, en corps, en voix, bien souvent, réduit l’œuvre plus qu’elle ne la sert. L’action étouffe le poème. A l’inverse, si on veut mettre la poésie au premier plan, c’est l’action qui disparait. Dans un cas on dirait qu’il y a trop de mots et dans l’autre on n’arrive plus à écouter, dans les deux cas on s’ennuie.
Ce qui relie l’action et la poésie dans le théâtre de Racine c’est l’héroïsme. L’héroïsme des personnages, qu’il vienne de leurs actions passées, du rang ou de leur naissance, n’est pas à prouver, il est là, il les constitue. Mais au cours de la pièce, la violence des passions va entrainer les personnages dans des excès qui vont porter atteinte à cette dimension héroïque. En réaction, ils multiplieront les tentatives pour échapper à ces passions. C’est de cette guerre entre héroïsme et passion que procède à la fois la force poétique du langage et la dynamique de l’action chez Racine.
Alors, quand Olivier Martin-Salvan m’a demandé de diriger en un temps record une mise en lecture d’Andromaque de Racine, j’ai pensé tout de suite : « Il va falloir travailler vite et mal ». Ce sont les mots de Vitez à propos de ses répétitions du Soulier de Satin de Claudel. Pour Vitez « Vite et mal » ça ne veut pas dire « Vite fait ». Ce sont des mots qui, avec humilité, acceptent la démesure du projet pour mieux en venir à bout.
Note d’intention par Thomas Condemine
« On se fait une idée fausse de la tragédie. Les critiques les plus avertis du XVIIIe siècle renvoyaient à la haute comédie certaines scènes du début d’Andromaque. »
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Thomas Condemine, metteur en scène
Lecture / Spectacle
Très vite la langue de Racine nous a levé de nos sièges. Et voilà que nous arpentions la scène, textes en main, dans ce qu’on pourrait appeler une mise en espace. Comme si la force du texte avait peu à peu tordu la forme rigide de la lecture et créé une autre forme, plus libre, où les passions pourraient s’exprimer. Les personnages de tragédie, ce ne sont pas des êtres qui s’enferment dans leurs passions. C’est tout le contraire ! Les héros n’acceptent pas la frustration, ils sont perpétuellement à la recherche d’une issue, de liberté. C’est d’ailleurs cette quête de liberté qui les conduira à leur perte. Passer de la lecture à la mise en espace sous les yeux du public, partager avec lui ce glissement formel dans ce qu’il peut avoir de transgressif ou de drôle, c’est une façon de l’associer à la quête de liberté des héros. Et par là, de l’entrainer malgré lui dans le processus tragique.
N’oublions pas que Racine écrit des tragédies. Il y a un moment où la quête de liberté, violemment, échoue, où les personnages s’effondrent, où ce qu’ils découvrent d’eux-mêmes les jette dans la mort, horrifiés. Atteindre le tragique dans Andromaque, c’est peut-être justement proposer une mise en lecture qui ne parviendra pas à devenir un spectacle. Une lecture qui le voudrait passionnément, fiévreusement, mais qui n’y arriverait pas. Ou si, pour un seul personnage peut-être, ou allez, deux, mais jamais pour tous les personnages en même temps, et jamais bien longtemps. Une lecture qui, à la fin, usée par ses tentatives répétées pour se réaliser, finirait par rendre l’âme. Un échec aux allures de cauchemar monstrueux. Une tragédie.
Note d’intention par Thomas Condemine
Distribution
Conception artistique Thomas Condemine et Olivier Martin-Salvan
Mise en scène Thomas Condemine
Avec Thomas Blanchard, Thomas Condemine, Mathilde Hennegrave (en alternance avec Anne Cressent), Agathe L’Huillier, Olivier Martin-Salvan
Lumières Pierre Peyronnet
Costumes Camille Vallat, assistée de Catherine Lourioux
Régie générale Fabrice Guilbert
Production / diffusion Colomba Ambroselli assistée de Nicolas Beck
Production Tsen Productions
Coproduction Comédie Poitou-Charentes CDN, Le Quartz Scène nationale de Brest, Compagnie TPN
Avec le soutien de L’Odéon – Théâtre de l’Europe, Les Tréteaux de France, CDN, le CENTQUATRE-PARIS
Crédit Photo ©Guillaume Héraud